Bonjour M.Roberge.
Merci de nous avoir pointé vers le Plan complet que vous avez déposé. Cela m’a permis d’avoir un portrait plus précis avant de prendre la plume pour vous répondre ici. De prime abord, je suis heureuse de voir que votre plan ne suggère pas une réelle abolition des conseillers pédagogiques, comme l’article le laissait supposer. Mais j’ai de très grandes critiques sur la façon dont vous envisagez le déploiement d’une expertise-conseil partagée entre des CP et des enseignants-experts. La prémisse qu’une réintégration des CP au corps enseignant serait bénéfique pour leurs conditions de travail et leur crédibilité ne me parait pas fondée.
Je suis conseillère pédagogique depuis près de 10 ans, et cela fait plusieurs années que mon rôle, en réponse aux besoins évolutifs des milieux (et je parle d’enseignants ici, pas de commandes de direction d’école ou de directives de ma commission scolaire), n’est plus celui d’une formatrice/ »porte-parole du ministère ». Mes très nombreuses collaborations avec mes collègues enseignants sont branchées dans le quotidien en salle de classe, dans l’articulation d’une pratique nourrie par la recherche, mais qui pousse dans le terreau de leurs savoirs d’expérience et des miens (ces années que j’ai passées en classe, à enseigner, balisent encore mes accompagnements… si je ne suis plus en classe au quotidien, je vous assure que la classe m’habite chaque minute). Aimerais-je avoir une semaine de relâche? Un été en dehors du milieu scolaire? Peut-être… Mais pas au prix des précieuses journées dans lesquelles je me retrouve pour faire du développement autour des idées semées par mes collègues enseignants ou pour suggérer des portes à ouvrir qui leur permettront d’explorer des pratiques efficaces qu’ils n’ont pas le temps (et parfois la patience et l’intérêt théorique) de documenter de de transposer dans la pratique.
Serais-je plus crédible si j’étais réintégrée au corps enseignant? L’équation de la crédibilité est beaucoup plus complexe que cela, comme vous avez dû le constater depuis votre entrée dans la sphère politique.
Avoir des partenaires enseignants experts dans les écoles ne serait pas une nouveauté : ces merveilleux enseignants existent déjà… Ce sont ceux qui participent à des projets de codéveloppement, ce sont eux qui sont dans les équipes d’innovation, ce sont ceux qui font des CAP (communautés d’apprentissage professionnelles) des lieux de rencontre enrichissants et professionnalisants grâce à leur ouverture, leur prise de risque, leur regard réflexif sur les impacts de leurs pratiques pédagogiques (dans un juste souci d’économie d’énergie). Ces enseignants sont-ils reconnus, d’un point de vue condition de travail? Surement pas autant qu’ils le devraient. Mais reste que, en salaire horaire, à échelon égal, ils sont mieux rémunérés que moi. Hé oui! Avez-vous envisagé promettre aussi une hausse salariale pour les CP, dans cette visée de reconnaissance des expertises? Ce serait un bon temps pour le faire présentement, car l’équité (plaintes de 2010)/ relativité et la question des rangements pour les CP ne sont toujours pas réglées…
Enfin, j’aimerais beaucoup que les propositions qui concernent la formation continue ne soient pas ancrées dans un archaïque modèle de journées de formation. Je ne connais pas de modalités parfaites, mais s’il en est une qui ne fait pas ses preuves, c’est celle des journées pédagogiques en formation. Autant la littérature que le vécu des CP multiplient les preuves qu’il ne s’agit pas d’une modalité gagnante. Si cela se fait encore, c’est probablement parce que des enseignants comme vous croient, à tort, que c’est une bonne façon de procéder. Je serais disponible pour vous fournir quelques écrits sur le sujet, si vous en manifestez l’intérêt.
Sincèrement,
Et pédagogiquement,
Annie St-Pierre
Conseillère pédagogique