« Au moins dix fois notre âge », pourrions-nous souhaiter à l’ACCPQ. De fait, l’année scolaire 2015-2016 est témoin privilégiée de deux évènements plutôt bien synchronisés. Le fruit du hasard? Laissez-moi en douter.
- Fondation de l’ACCPQ
D’une part, la création de l’ACCPQ, dont les buts et fonctions sont des plus pertinents. De répondre à des préoccupations professionnelles qui vont bien au-delà de nos spécialités pédagogiques et des compétences syndicales. De se perfectionner, de confronter nos idées d’échanger, de se réseauter. Bref, c’est tout à fait légitime et à mes yeux, l’ACCPQ est aussi singulière que la profession de ses membres.
Cheminer vers la profession – Nous progressons vers la profession de CP : par gout d’aller plus loin, d’aider les autres, de recentrer énergies et actions, de partager, de multiplier et de poursuivre une quête : mieux apprendre et enseigner.
- Quelle forme prend-elle dans le concret? Les pédagogues l’appellent souvent « la vraie paye », celle qui n’arrive jamais assez souvent. Ce sont ces moments magiques lors desquels espace, temps, personnes et conjoncture se transforment. La classe devient un véritable lieu de partage et d’échanges. Le son de la cloche semble étranger à notre univers éphémère. Les participants ne sont plus élèves ni enseignants, mais des individus égaux, sans rôle particulier et sans hiérarchie. S’y mettent en jeu des idées qu’ils déconstruisent et reconstruisent ensemble, sans qu’aucun connaisse l’issue véritable. Yeux brillants, sourires éclatants et émotions tangibles sont au rendez-vous. Nous avons la certitude d’y vivre quelque chose d’analogue à la quintessence de l’apprentissage. En cela me direz-vous, guère de différence avec la société et les parents qui s’émerveillent de voir s’épanouir leurs enfants.
- À la distinction près, que ces préoccupations et réussites sont des électrons énergisants gravitant autour du noyau de notre profession! Ce n’est probablement pas un hasard si l’ACCPQ voit le jour.
Devenir conseiller pédagogique – Nous devenons habituellement conseillers pédagogiques après : quelques (nombreuses) années à avoir planifié, essayé, expérimenté, changé, peaufiné, vécu et maitrisé toutes sortes de situations dans notre pratique pédagogique. C’est ce que j’appellerais « faire nos classes ».
- Or, la profession elle-même existe depuis une cinquantaine d’années. Soit, un peu plus de temps qu’il n’en faut pour passer du stade de jeune élève, à enseignant, à humblement, celui de pédagogue en meilleure maitrise de son acte. Aboutir ce dernier, c’est aussi se regrouper entre pédagogues passionnés. Ce n’est certainement pas un hasard si un pôle fédérateur comme l’ACCPQ voit le jour.
Être conseiller pédagogique – Nous consacrons passablement de temps de CP à : faire mieux ou autrement, à approfondir, à savoir ce qu’en dit la recherche, à réinvestir les fruits d’expérimentations et de données probantes.
- C’est du temps consacré à privilégier « qualité à quantité ». Nous ne comptons plus le nombre de fois où nous avons vu les acteurs de l’éducation répéter, reproduire les mêmes choses, différemment, sans se rendre compte qu’elles étaient de même ordre et nature, sans intention claire. Or, pourquoi sans cesse répéter? Pourquoi une telle quantité? Notre rôle est associé au changement. Changer en mieux, voire rendre les gestes pédagogiques plus efficaces. Or, le changement nécessite du temps. Le processus sous-jacent est ici de réfléchir : « comment améliorer une situation? » Obtenir un meilleur résultat avec des efforts plus canalisés? Une analogie : offrir à l’élève un repas d’apprenant dont l’assiette ne déborderait plus, mais qui serait plus nutritif.
- C’est du temps pour se perfectionner, pour redonner aux autres, chercher, soupeser du contre, du pour, du pour qui, du pour quand et du pourquoi de toutes les facettes de l’éducation. Apprendre est sans doute aussi complexe, délicat, et fragile à manipuler avec minutie que l’enseignement et la pédagogie. Des facettes rarement indissociables, sauf si on nait, est, ou devient autodidacte, ce qui est plutôt l’exception. Or, on remarque que ceux qui sont conseillers pédagogiques étaient des enseignants engagés depuis leurs premiers jours en classe, ayant une soif constante de savoir, de comprendre et de s’améliorer. Une sorte de remise en question perpétuelle et innovante. La recherche universitaire, les publications scientifiques et les collaborations avec les didacticiens constituant autant d’oasis pour nous. Rigueur et sens liés aux actions. Ce n’est assurément pas un hasard si l’ACCPQ voit le jour.
Composer avec les particularités de la conseillance pédagogique – sortir fréquemment de notre zone de confort.
- Loin du port d’attache, parce que fréquemment nous prêtons mainforte à des personnes ou des organisations ayant des besoins pédagogiques.
- Parfois hors de notre territoire, parce que les réseaux, l’information, certaines nouveautés, tout comme les besoins, se trouvent ailleurs.
- Viennent avec ces excursions « vers ailleurs et ses gens isolés », le gout de partager, d’offrir à l’autre, de favoriser gains, économie d’énergie et de temps.
- Si les enseignants ont le grand privilège d’être auprès des élèves, nous avons le luxe du temps de lire, de créer et de chercher. Enseignants de nature, nous chérissons les deux. Dichotomie, quand tu nous habites!
- Parce qu’il nous faut explorer des concepts prometteurs et audacieux, nous tutoyons couramment les limites de notre zone proximale de développement. Vivre avec toutes ces particularités nécessite de serrer les coudes devant le doute. C’est indubitable, l’ACCPQ n’est pas une manifestation du hasard.
- Entre deux cycles, le trentième anniversaire du Groupe des responsables de l’univers social (GRUS)
Poursuivons la vérification de notre hypothèse comme quoi la synchronie n’aurait rien du hasard. Au moment où l’ACCPQ nait, le petit monde de la conseillance pédagogique voit le GRUS souligner bien discrètement son 30e anniversaire.
Des constantes qui doivent perdurer
Il y a de nombreuses constantes tout au long de l’évolution du rôle du conseiller pédagogique, que ce soit au fil du temps, des réformes ou des besoins.
- GRUS – À l’image du début des années 80
Fondé en 1985, les gens qui furent derrière sa création étaient visionnaires. Déjà à cette époque, à peu près vingt ans après la création de la fonction de conseiller pédagogique (Rapport Parent 1964), les besoins de réseautage, d’échanges, de perfectionnement étaient omniprésents. Pour l’éducation au Québec et les conseillers pédagogiques, le début des années 80 correspondait aussi à une réflexion importante au regard d’un nouveau programme de formation. Il fallait se donner ensemble des outils et des moyens, tout en promouvant l’enseignement des disciplines du domaine de l’univers social. Ce qui mena à la création du GRUS.
- ACCPQ – Tout à fait de son époque en 2015
En 2015, la situation n’est guère différente. Bien que la première partie ce billet ne l’ait pas abordé directement, les conseillers pédagogiques sont actuellement démotivés et peu reconnus. La fin de l’implantation de la « réforme » créant un vide, les conseillers se chercheraient-ils une raison d’être? Cette réorientation est déroutante, parce qu’elle ouvre la porte à une redéfinition à laquelle ils veulent participer, mais dans laquelle ils sentent qu’ils n’ont pas le plein contrôle. Il est bien difficile de se faire dire « qui on est » par quelqu’un d’autre. De répondre à ces préoccupations professionnelles, de se perfectionner, de confronter nos idées d’échanger, de se réseauter, voilà bien des fins qui justifient le moyen.
Bref, qu’on soit en 1985 ou en 2015, les besoins émergent et les particularités de la profession et les redéfinitions cycliques ne sont pas étrangers à la création d’associations. Si bien que l’ACCPQ en est à ses débuts, tandis que le GRUS est en transition entre deux cycles.
S’associer entre conseillers pédagogiques – savoir et devoir composer avec la chimie et la physique des éléments
Les membres qui participaient au petit social du 30e du GRUS me demandaient comment je voyais les choses, si je jugeais les idées proposées peu convergentes pour les individus ou le groupe. Je leur ai répondu qu’être à la tête d’un groupe d’électrons libres et de libres penseurs était un énorme privilège, obligeant à une grande humilité et à une grande confiance dans une forme de vol plané contrôlé à laquelle tout le monde participe. À titre de président et d’animateur du groupe, il faut disposer d’une certaine vision de ce que nous devrions faire ou de vers où nous devrions aller. Mais leurs idées ou points de vue sont à tout le moins aussi réfléchis, diversifiés et pertinents que les miens. Ce qui nous mène parfois à des compromis intéressants. Mais aussi, bien souvent, à des débats qui nous font réfléchir et avancer collectivement et individuellement, sans toutefois en arriver à une conclusion structurante se traduisant par des actions. En retournant dans nos quartiers, le débat en reste là, cheminant dans la tête de chacun, jusqu’à la fois suivante, où nous en aurons besoin individuellement ou collectivement. Et il en est ainsi pour pas mal d’idées ou de projets. C’est riche et profond (le privilège) et j’y ai aussi perdu mes illusions (l’humilité) sur la direction et sur la destination imaginée pour le groupe.
Un même univers, des perceptions différentes, des choix à faire, un moyen à se donner
En somme, la synchronie ne laisse rien au hasard. Mais si le professionnel qui s’aventure dans les méandres de l’éducation ne regarde qu’au bout de ses pieds, il pourrait trouver le temps long et croire que les évènements sont contre lui.
De fait, dépendant de la posture adoptée, il peut participer à sa réussite ou à son échec. Un amalgame de choix s’offre alors à lui. Nous y sommes perpétuellement confrontés. Alors, quelle voie prendre? La vie nous enseignerait-elle à décider? Dans cette situation, de qui ou quoi pourrions-nous nous inspirer? Quels apprentissages pourrions-nous tirer des sages? Un de leur dicton veut que « seul on aille plus vite, mais qu’ensemble on aille plus loin ». Alors, pourquoi pas nous?
Longue vie à l’ACCPQ!
Yvan Émond
Conseiller pédagogique