La compétence comme organisateur des programmes de formation revisitée, ou la nécessité de passer de ce concept à celui de « l’agir compétent »

La compétence comme organisateur des programmes de formation revisitée, ou la nécessité de passer de ce concept à celui de « l’agir compétent »

La compétence comme organisateur des programmes de formation revisitée, ou la nécessité de passer de ce concept à celui de « l’agir compétent »

Jonnaert, P., Barrette, J. Mas intra, D.,Yaya, M. (2006).

In Observatoire des réformes en éducation (ORÉ / UQAM).Septembre 2006. 

Concepts-clés (théorie de Jonnaert) : les situations, l’avoir compétent et l’intelligence des situations.

Pour accéder au texte, suivez ce lien :  http://www.ibe.unesco.org/French/cops/Competencies/ORE_French.pdf 

Notes de lecture de M. Donald Guertin

(4) « un des invariants qui se dégage de ces analyses est le caractère incontournable de la notion de situation aussitôt que l’on aborde le concept de compétence. La situation est la source et le critère de la compétence (Jonnaert, 2002a). En effet, c’est en situation que la personne développe sa compétence : la situation en est donc la source.Par ailleurs, c’est parce que cette situation est traitée efficacement, qu’une personne peut être déclarée compétente : le traitement efficace de la situation est donc le principal critère d’évaluation de la compétence située. Comme l’avance Jonnaert (2002a), « (…) les compétences ne peuvent se définir qu’en fonction de situations, elles sont donc tout autant situées que les connaissances dans un contexte social et physique. Le concept de situation devient alors l’élément central de l’apprentissage : c’est en situation quel’élève se construit, modifie ou réfute des connaissances situées et développe des compétences tout autant situées. »

Dans cette optique, le contenu disciplinaire (didactique) est un outil (ressource) pour traiter la situation.

Agir compétent

(5) « Autrement dit, l’agir compétent en situation prime sur la description de compétences décontextualisées à l’intérieur des référentiels. Il s’agit là d’un changement radical dans les pratiques habituelles des concepteurs des programmes d’études. Les auteurs décrivent dans ce texte comment ils sont arrivés à cette perspective de la compétence située et de l’agir compétent en situation. »

2. Un contexte général de reformes

Conception de l’intelligence

(7) « La conception de l’intelligence,distribuées entre les artefacts cognitifs 7 et la cognition elle-même, oblige le monde éducatif à prendre ses distances par rapport à un enseignement traditionnel qui ne considère l’apprenant que comme un tout cognitif. Cette remise en cause du tout cognitif complexifie les rapports des enseignants aux apprentissages scolaires et aux connaissances. « Le développement de la société de la connaissance suscite une demande de compétences clés dans les sphères personnelles, publique et professionnelle. La façon d’accéder aux informations et aux services change, de même que la structure et la composition de la société» (Commission des Communautés Européenne, 2005a : 3) »

La demande sociale n’est plus à la séquentialisation des tâches. (7)

(8) « L’approche est globale, contextuelle et située.» 

Accès au savoir

(9) « À accès égal au savoir, le gain de connaissances dont bénéficient les personnes qui ont un niveau de formation élevé est bien plus important que pour celles qui n’ont pu accéder à l’éducation ou qui n’y ont eu qu’un accès limité. »

Distribution du savoir

(10) « L’activité cognitive d’un utilisateur de technologies numériques, même quand il travaille seul, est, en effet, répartie entre lui et ces artefacts, et cela vaut aussi bien pour la perception, pour la mémoire, pour les opérations logiques que pour l’apprentissage. Le monde des choses évidentes, que nous avons ‘sous les yeux’,dépend aujourd’hui d’une cognition répartie entre nous et des artefacts cognitifs qui sont d’autant plus ‘transparents’ qu’ils sont de plus en plus efficaces. L’heure est désormais à la cognition distribuée » Bindé, (2005 :51-52)

Cognition située 

(10) « Il s’agit d’une vision de la cognition liée à la pratique sociale, distribuée sur le corps et l’activité de la personne en situation, sur la situation elle-même et sur son contexte. La cognition est ainsi au cœur d’un ensemble de relations dialectiques entre la personne en action, sa propre cognition, la situation, ses contextes sociaux et physiques. La personne agissante n’est pas séparée de son contexte d’action dans le monde, elle le détermine tout en étant elle-même déterminée par lui. La personne est un tout agissant, engagé dans le monde, en un champ complexe d’interrelations : person-acting-in-setting (Lave, 1988). La ‘cognition située ’fournit un éclairage particulier sur la primauté de la personne qui se construit tout en construisant son environnement, en relation dialectique avec lui, pour le développement de ses compétences. Replaçant ainsi la personne dans des situations et des contextes avec lesquels elle interagit de façon constructive, la cognition située constitue un cadre pertinent pour la compréhension du développement de compétences par les personnes. »

3. Des confusions (12et ss)

(12) « Construire un curriculum en respectant une logique de compétences et en adoptant une visée socioconstructiviste, suppose dès lors que les outils traditionnels d’élaboration des curriculums soient revisités de façon radicale (Jonnaert,Barrette, Boufrahi et Masciotra, 2005). »

4. Une véritable théorie des compétences reste à construire (13 ss)

  • un curriculum centré sur l’apprenant;
  • Une redéfinition la tâche du personnel scolaire;
  • Se doter d’une réelle définition du concept de compétence;

5. Un cheminement vers une conception de la notion de compétence (14 et ss)

Démarche basée sur la clôture sémantique.

(15) « L’analyse de ces résultats 17 amène à considérer l’activité en situation comme un des fondements importants d’une logique de compétences. La compétence ne peut être la simple description d’une action ou d’un comportement attendus, elle est beaucoup plus que cela. »

(16) la compétence considérée comme une « structure organisatrice de l’activité »

(16-17) « Connaître c’est d’abord et avant tout s’adapter aux situations, c’est savoir tirer son épingle du jeu,c’est ne pas se laisser submerger par les événements. Pour cela, il faut bien que l’activité du sujet soit organisée, avec un mélange d’invariance et d’adaptation aux circonstances. Il faut donc postuler qu’il existe des organisateurs de l’activité. Et analyser une compétence, c’est repérer ces organisateurs de l’activité. » Pastré (2004:8). En ce sens, être compétent, ce n’est pas seulement appliquer un ensemble de connaissances à une situation, c’est aussi organiser son activité pour s’adapter aux caractéristiques de la situation. La compétence devient alors « la structure dynamique organisatrice de l’activité, qui permet à la personne de s’adapter à une classe de situations, à partir de son expérience, de son activité et de sa pratique ».

6. Une conception située de la compétence (16 et ss)

Compétence située = ancrée dans la situation.

« l’adaptation de la personne à la situation et son contexte est, par essence, constitutive du développement d’une compétence. » (16)

« Un ensemble de ressources variées est donc mobilisé dans l’action pour actualiser la compétence. Dans la perspective de la cognition située (Lave, 1988, 1991), ces ressources sont elles-mêmes structurantes tant pour l’action que pour la personne, et ce, dans une relation dialectique. (…) Il n’y a pas de frontières entre les aspects internes et externes de l’expérience. Selon l’approche de la cognition située, la personne et son action deviennent nécessairement ressources pour l’apprentissage. »(Jonnaert et autres, 2005 : 677). (16)

Éléments constitutifs du développement de la compétence = adaptation de la personne, son interaction avec la situation et le contexte. (16)

Éléments contributifs de la compétence = ressources internes et externes dans le processus d’apprendre.

  • de la compétence selon Jonnaert : «  la mise en oeuvre par une personne en situation, dans un contexte déterminé, d’un ensemble diversifié, mais coordonné de ressources; cette mise en oeuvre sur le choix, la mobilisation et l’organisation de ces ressources et sur les actions pertinentes qu’elles permettent pour un traitement réussi de cette situation. » (17)
  • de la compétence selon Pastré : une structure dynamique organisant l’activité, ancrée dans l’expérience et dans la pratique de la personne en situation. (17)

7. Une entrée par les situations dans les programmes d’études : vers la construction de programmes d’études par compétences

7.1 Des banques de situations

  • Constituer des banques de situations.
    • Diversité des situations;
    • Décalage entre situations et contenus traditionnels;
    • Savoirs endogènes non pris en considération par l’école;
    • Absence de situations pertinentes prises en charge par des champs disciplinaires.

« Enfin, les situations recueillies ne sont pas que le résultat d’une photographie ponctuelle : elles reflètent les attentes des publics ciblés par rapport à des formations, à un moment donné de leur histoire. » (19)

  • Situations analysées sont regroupées en « classes de situation ». (20)

7.2 L’agir compétent

Que fait une personne pour agir avec compétence dans une situation donnée?

  • Dégager un ensemble de ressources indispensables pour traiter telle situation.
  • Ressources combatives, corporelles, matérielles, sociales, cognitives, etc.
  • Cela renforce l’apprentissage des ressources afin d’agir avec compétence.

(22) « Pour agir avec compétence dans une situation, la personne construit son action au départ de sa propre compréhension des buts qu’elle poursuit en agissant dans cette situation. »

La notion d’agir compétent s’appuie sur :

  • la compréhension qu’elle a de la situation;
  • sa perception des buts de sa propre action dans cette situation;
  • l’idée qu’elle a de ce que sera l’effet du traitement de la situation;
  • sa possibilité d’entrer dans la situation avec ce qu’elle est et son déjà-là;
  • sa possibilité d’utiliser une pluralité de ressources, d’adapter des ressources qu’elle connaît déjà ou d’en construire de nouvelles;
  • sa possibilité de réfléchir à son action, de valider son action et de la conceptualiser;
  • sa possibilité d’adapter tout ce qu’elle a construit dans cette situation à d’autres situations de la même classe ou à d’autres classes de situation. (23)

(23) « L’agir compétent est indissociable de l’intelligence des situations, cette compréhension que les personnes ont des situations et du comment faire pour y être efficaces, soit en y adaptant ce qu’elles sont et leur déjà-là, soit en y construisant de nouvelles ressources. »

7.3  Matrice de l’agir compétent

(23) « Situations, agir compétent et intelligence des situations constituent alors un triptyque sur lequel repose une approche située des compétences. (…) Cette matrice n’est qu’un moyen au service du développement des compétences, elle n’est pas une fin en elle-même. »

(23-24) La matrice :

  • le cadre situationnel;
  • Le traitement compétent qui précise ce qu’est l’agir compétent dans ces situations; ce sont des catégories d’actions potentielles aux situations.
  • L’ensemble des ressources. 

Donald GUERTIN – AVRIL 2018