Êtres de bons conseils
Après les commentaires et suggestions reçus concernant mon dernier texte, pourquoi ne pas continuer l’exploration des bonnes pratiques professionnelles en l’éducation ? Dans cette optique, si nous souhaitons voir des enseignants s’épanouir, il leur faut des alliés qui saisissent bien la réalité dans laquelle ils enseignent. Voici donc où interviennent des êtres de bons conseils, les conseillers pédagogiques.
Le propre des conseillers pédagogiques est qu’ils combinent deux atouts importants et incontournables. D’une part, ils sont expérimentés dans leurs domaines respectifs alors que, d’autre part, ils ont le nez décollé de l’urgence qui accapare les enseignants au quotidien. C’est bien connu, les enseignants éprouvent des difficultés à se sortir la tête du tourbillon scolaire dans lequel ils sont plongés pour espérer s’investir dans une démarche de perfectionnement professionnel. Les conseillers comblent ce besoin en suggérant diverses formations pour permettre aux enseignants de continuer à faire évoluer leur pratique. C’est un peu le modèle clés en main de la pédagogie et de la formation continue sur mesure. Ces derniers doivent donc s’ajuster aux impératifs enseignants en plus de faire obligatoirement preuve de flexibilité s’ils espèrent mener à bien leur tâche.
Justement, quelle est cette tâche ? En réalité, elle est difficile à cibler. Sommairement, en voici quatre éléments non exhaustifs :
- Être un intermédiaire privilégié faisant le pont entre les pratiques professionnelles en enseignement et la recherche scientifique en éducation;
- Demeurer à l’affût de nouveaux outils didactiques, technologiques ou non, qui conviennent à la pratique d’un enseignant donné;
- Dispenser diverses formations, collectives ou individuelles, à des enseignants. C’est le retour de la différenciation pédagogique, mais cette fois-ci, au bénéfice direct de l’enseignant;
- Être le répondant de la commission scolaire ou de l’école dans un champ de spécialisation donné.
Il s’agit donc d’effectuer une certaine veille de ce qui se fait dans le monde de la pédagogie et de la technologie, dans un champ particulier et tout en étant en mesure d’adapter le tout pour un réinvestissement rapide dans les pratiques enseignantes.
Le bon conseil
Pour être de bon conseil, ces professionnels de l’éducation doivent être curieux et avant-gardistes. Ils ne peuvent se permettre d’être à la remorque des pratiques professionnelles émergentes. Ils doivent défricher ce qui se fait en consolidant leur réseau de collaboration réel et virtuel. À propos du réseau, le bon conseiller sait le mettre à profit de trois façons principales : en l’utilisant comme outil de veille pédagogique, en lui acheminant des questions précises et en le mettant au service de l’enseignant. Bref, le réseau du conseiller pédagogique est évolutif et inclusif, car il y a toujours une place pour les enseignants pour s’y greffer. Autrement dit, la pratique professionnelle du conseiller s’inscrit dans le réticulaire et non dans le linéaire. Tout est dans le réseau; l’information est là, ubiquiste, et elle ne demande qu’à être saisie.
Le bon conseil implique un aspect d’accessibilité. En effet, les conseils étant inutiles, voire inexistants, s’ils ne sont pas transmis et partagés. L’aspect relationnel est indissociable d’une bonne pratique et il dépasse la simple question de la vulgarisation de contenu. Au-delà de la disponibilité pour les enseignants, ceux que l’on surnomme affectueusement les CP savent créer un climat de confiance auprès de ceux qu’ils soutiennent.
Délinquance pédagogique et effet multiplicateur
Curieusement, ceux-là mêmes qui sèment le chaos pédagogique dans les têtes des enseignants sont ceux qui permettront à ces derniers d’organiser leurs approches pédagogiques. Les bons conseillers pédagogiques sont donc des délinquants de la pédagogie et ceux qui dérangent la quiétude et le confort des pratiques professionnelles en éducation. N’obéissant aucunement à loi de la gravitation, ils permettent à leurs enseignants de s’élever pour prendre leur envol professionnel en visitant d’autres cieux que ceux déjà explorés. Ils ne sont pas seulement des êtres créatifs et des explorateurs : ils sont les guides de l’inconnu et de la découverte. Leur seule présence rassure.
Les conseillers pédagogiques sont, à l’heure actuelle, la courroie de transmission entre les pratiques enseignantes inscrites dans un quotidien scolaire surchargé et ce qui se fait dans les autres milieux, scolaires ou non. On parle donc d’une relation tripartite répartie entre le milieu scolaire conseillé, le reste du monde scolaire ou postsecondaire (incluant la recherche) et le reste du monde, lui aussi générateur de contenu pédagogique pertinent.
Ces êtres de bons conseils sont d’un naturel ouverts. Véritables prospecteurs des pratiques pédagogiques, ils sont des leaders naturels et crédibles que les enseignants ont le gout de suivre dans différentes aventures éducatives. Ils diffusent leurs découvertes et surtout leur passion; ils sont donc, dans bien des cas, des éléments catalyseurs permettant la naissance d’un effet positif qui sera multiplié et surmultiplié dans les milieux scolaires.
Engendrer le chainon manquant
Définitivement, les conseillers pédagogiques, une espèce presque en voie de disparition, sont des êtres de bons conseils ! Il est d’autant plus triste de constater que le contexte d’austérité fait de ces derniers les principaux émissaires d’une logique comptable d’un service qui n’a pas de prix. Bref, voir diminuer les effectifs de conseillance pédagogique équivaut à briser volontairement cette courroie de transmission ou de retirer sciemment un chainon à la maille du support à l’enseignement.
En complément à tout l’aspect mentorat lié à la conseillance pédagogique, je vous invite à lire mon texte rédigé en réaction à l’abolition de postes de CP en juin dernier.
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